Ce cahier des charges a été élaboré en 2018 par Agate.
1. Accessibilité et conception universelle : les piliers de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005
La loi n°2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a posé le principe de l’accessibilité pour tous sans exclusion.
La loi prend en compte toutes les formes de handicap : moteur, sensoriel, cognitif, psychique. Elle concerne les personnes handicapées et les personnes à mobilité réduite, y compris de manière temporaire. Elle s’applique notamment au logement.
La loi est le fruit de la concertation avec les associations représentant les personnes handicapées. Celles-ci sont régulièrement entendues au sein des différentes instances créées pour la mise en œuvre de la loi, notamment sur l’accessibilité.
Le concept d’habitat inclusif1 rejoint les enjeux portés par la loi du 11 février 2005 et s’inscrit dans les préconisations de la Convention relative aux droits des personnes handicapées. A distance de l’accueil en établissement comme du logement dans sa famille ou dans un habitat ordinaire totalement autonome, il fait partie des éléments permettant de diversifier l’offre et ainsi d’élargir la palette des choix offerts aux personnes en situation de handicap.
2. Situation de handicap psychique et accès au logement
La définition du handicap inscrite dans la loi n°2005-102 a conduit à mettre pour la première fois l’accent sur les origines psychiques des situations de handicap vécues par les personnes atteintes de troubles psychiques et/ou de pathologies mentales.
Cette reconnaissance du « handicap d’origine psychique » constitue une avancée considérable pour la prise en compte des besoins de soins et d’accompagnement social et médico-social de ces personnes, dans l’ensemble des dimensions de leur situation de vie (santé, formation, activité professionnelle, activités quotidiennes et sociales, logement, etc.).
Le handicap psychique présente plusieurs spécificités2 :
- Les troubles des personnes sont souvent variables, intermittents et évolutifs. Ils n’empêchent pas le rétablissement et la diminution des symptômes. Par ailleurs, les personnes peuvent avoir des compétences réelles pour certaines activités et des difficultés majeures dans d’autres.
- Elles ont besoin d’un suivi médical régulier.
- Les personnes n’ont pas de déficience intellectuelle. Des troubles cognitifs (mémorisation, anticipation, organisation du temps et de l’espace, etc.) sont souvent associés, de façon temporaire ou permanente.
- Elles sont victimes de stigmatisation et de rejet.
• L’isolement et la rupture du lien social sont fréquents.
- La vulnérabilité est à prendre en compte, surtout lors de situations difficiles de la vie même lorsque les troubles sont stabilisés.
- Les personnes peuvent être dans l’incapacité de demander de l’aide, la « non-demande ». Les causes de l’absence de demande pouvant être liées à des facteurs personnels ou environnementaux (par exemple, inadéquation entre les besoins de la personne et l’accompagnement proposé).
- Le caractère invisible des troubles implique que les difficultés sont parfois sous estimées.
- L’acceptation des troubles et des difficultés qui en découlent est parfois difficile pour la personne et/ou son environnement.
- Les personnes présentent des difficultés plus ou moins prononcées dans les interactions
• Elles peuvent avoir des difficultés «à faire», à initier l’action.
- Elles peuvent avoir un rapport altéré à la réalité.
L’ensemble de ces limitations d’activités qui affectent les actes courants de la vie quotidienne, se traduit notamment dans une grande difficulté à accéder et se maintenir dans un logement : gérer le logement et le statut d’occupant, organiser son quotidien, respecter les règles communes, se protéger de l’environnement, sont de compétences sociales que les personnes présentant une situation de handicap psychique ont de grandes difficultés à mettre en œuvre.
Le logement est pourtant la condition nécessaire pour permettre une continuité des soins et de l’accompagnement social ; il constitue la première marche vers la réhabilitation sociale d’une personne, et sa participation sociale.
C’est pourquoi AGATE développe son action d’intermédiation locative à destination de personnes en situation de handicap psychique, afin d’accompagner leur accès à l’autonomie dans le logement.
AGATE constitue un maillon dans la chaîne des acteurs et services qui accompagnent le
Les travaux récents qui ont été menés sur l’accessibilité à destination des personnes en situation de handicap psychique ont mis fort justement l’accent sur ce que l’UNAFAM a appelé « la rampe d’accessibilité psychique », c’est à dire l’accompagnement des personnes et les aides humaines, qui sont effectivement indispensables pour ces personnes3.
A l’occasion de ses échanges avec les bailleurs sociaux et les maîtres d’œuvre dans la construction de logements qui sont mis à disposition de l’association AGATE, il nous a paru important de proposer également des pistes de travail pour un cahier des charges des aménagements et adaptations des logements permettant de prendre en compte les besoins des personnes en situation de handicap psychique.
3. Les besoins des résidents d’AGATE en matière d’aménagement du logement
Les besoins particuliers des personnes en situation de handicap psychique accompagnées par AGATE doivent être prises en compte, sans pour autant formater des « appartements spéciaux personnes en situation de handicap psychique ».
Tout d’abord parce que les besoins des personnes en situation de handicap psychique en matière de logement se situent au premier chef dans un continuum des besoins communs à tous: des conditions décentes d’habitabilité facilitant la participation sociale, le sentiment de sécurité et de non envahissement par l’environnement.
Ensuite parce que les logements mis à disposition par AGATE ont un caractère temporaire, et constituent une transition à plus ou moins long terme vers un logement de droit commun.
Très peu de travaux ont été réalisés pour prendre en compte ces besoins dans le bâti. Une fiche éditée par le CERTU (Centre d’Études sur les réseaux, les transports, l’urbanisme et les constructions publiques) : « Handicaps mentaux, cognitifs et psychiques : Quelles pistes pour améliorer l’accessibilité ? » publiée en octobre 2013, reste (au moins pour le bâti) centrée sur la déficience intellectuelle.
AGATE tente donc d’apporter ici sa pierre à l’édifice de l’accessibilité à destination des personnes en situation de handicap psychique.
La plupart des éléments qui suivent sont des tentatives de prévenir et d’accompagner la levée de la difficulté à entreprendre des tâches et à investir son logement.
a. L’ensemble de l’appartement
Des matériaux d’une bonne solidité et durabilité, et faciles d’entretien :
- peintures murales lessivables, des butées derrière les portes
- revêtements de sol faciles à entretenir
Une bonne insonorisation pour ne pas être envahi par les bruits dans le logement et par les voisins, et ne pas gêner ceux-ci lors des périodes d’insomnie nocturne
Un système de chauffage et des canalisations silencieux, qui ne font pas des bruits susceptibles d’interprétations délirantes
Pas d’éclairage vif.
b. Cuisine
Éviter le gaz
Robinetterie à mitigeur, qui facilite les économies d’eau
Des grilles de filtrage fixes au départ des évacuations d’eaux usées, qui retiennent les matières qui pourraient être jetées dans l’évier
Murs : Carrelage toutes parois toute hauteur, ou au moins à mi-hauteur sur les murs proches du point de cuisson
Plinthes à gorge, pour faciliter l’entretien et éviter les infiltrations d’eau Siphons faciles d’accès
Éviter les plaques de cuisson monobloc avec évier.
c. Salle de bain
Salle de bain et toilettes séparées Douche plutôt que baignoire
Cabine de douche à portes battantes ou à deux parois croisées, et non des portes coulissantes, celles-ci étant plus fragiles
Sol : pas de carrelage antidérapant, qui s’encrasse trop facilement
Murs : carrelage hydrofuge spécial salle de bain toutes parois toute hauteur Plinthes à gorge, pour faciliter l’entretien et éviter les infiltrations d’eau Robinetterie à mitigeur
Ventilation : VMC avec interrupteur indépendant de l’éclairage
Lavabo sur colonne ou meuble sous lavabo, contribuant à prévenir le décèlement du lavabo.
d. Toilettes
Chasse d’eau de qualité, à bouton poussoir large (pour en faciliter l’usage régulier) Carrelage mural à mi-hauteur facilitant l’entretien.
e. Chambres
Si penderie intégrée : portes battantes plutôt que coulissantes, ces dernières étant plus fragiles.
f. Entrée
Poignée béquille sur la porte d’entrée, pour pallier les oublis de clés à l’intérieur de l’appartement.
Interphone et œilleton, favorisant le sentiment de sécurité.
1 « Démarche nationale en faveur de l’habitat inclusif pour les personnes en situation de handicap ». Comité Interministériel du Handicap, 2 décembre 2016.
2 « Spécificités de l’accompagnement des adultes handicapés psychiques ». Recommandations de Bonnes Pratiques Professionnelles, ANESM, mai 2016.
3
- Guide des pratiques partagées d’accompagnement vers et dans le logement des personnes souffrant de troubles psychiques, AGAPSY,
- L’accompagnement des personnes en situation de handicap d’origine psychique par les SAVS et les SAMSAH, CEDIAS/CREAHI Ile de France, 2010-2012.
- Spécificités de l’accompagnement des adultes handicapés psychiques, ANESM, 2016
- Troubles psychiques. Guide d’appui pour l’élaboration de réponses aux besoins des personnes vivant avec des troubles psychiques, CNSA, 201